Nancy Saïgon
- Fabienne BF
- 20 oct.
- 2 min de lecture
Alain Genoudet, Editions du Seuil

Et je songeais à tous ces mots qui restent, dans les lettres et ailleurs, ceux que l'on entasse sans savoir pourquoi dans notre mémoire.
En 2020, en Lorraine, Edithe assiste à l'ouverture du caveau où sa mère, Simone, a été enterrée, on va exhumer le corps pour faire de la place pour enterrer deux personnes de la famille qui viennent de mourir du covid.
Qui était donc Simone pour qu'on l'expulse ainsi du caveau familial? D'autant plus que lorsque l'on ouvre son cercueil, on découvre qu'elle portait un habit traditionnel vietnamien, l'ao daï, dont les couleurs sont restées totalement intactes.
Edithe envoie ce vêtement ainsi qu'un carton de lettres au narrateur de ce roman, un narrateur dont on ne fait que deviner le lien qui l'attache à Edithe.
Le carton qui porte l'intitulé Nancy-Saïgon contient la correspondance qui a lié Simone à Paul, le père d'Edithe dont personne ne semble jamais vouloir parler dans la famille.
Cet épisode douloureux est l'occasion pour le narrateur de retracer l'histoire de Simone et Paul au travers de la guerre d'Indochine pour laquelle Paul a été appelé et pendant laquelle son destin va croiser aussi celui d'un certain Tilleul, un homme au nom d'arbre, qui observe, témoigne, subit.
La correspondance qui lie les deux amants pendant les années de guerre constitue une chronique de la vie dans les années 50, avec d'un côté celle des militaires en Indochine avec son lot d'atrocités et de l'autre celle d'une jeune mère isolée gagnée par la mélancolie et l'ennui. En parallèle de ses recherches, le narrateur vit le confinement reclus dans son appartement du 13e arrondissement de Paris.
Nancy-Saïgon constitue une sorte de déambulation au fil de plusieurs vies, Simone, Paul, Tilleul, le narrateur, son voisin vietnamien, plusieurs styles d'écriture aussi, avec des questions dont on n'aura pas forcément les réponses mais qu'importe après tout? L'auteur nous plonge dans un roman hypnotique où la langue crue alterne avec la poésie, où l'amour répond à la haine, où la violence des hommes se confronte à la beauté du monde.
Certains passages sont extrêmement dérangeants et brutaux mais ils disent aussi toute la cruauté dont l'espèce humaine est capable.
L'écriture d'Adrien Genoudet est magnifique, un travail d'orfèvre et de précision, donnant à voir, à sentir, à souffrir.
A la condition d'accepter d'être heurté, ce roman est tout simplement incroyable.




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